JOYEUX NOEL !

Publié le par Ernest J. BROOMS

Le soleil sur mon visage baigne. La paix, retrouvée. Des baies vitrées trouent la salle immense. Les murs ont disparu. La douleur aussi.

Je suis couché, nulle envie de bouger. Une jeune dame blonde, les yeux trop clairs, penchée sur moi, me masse les jambes. Elle me sourit, parle doucement. De vacances, de plages et d’eau bleue. Mais une femme laide et brune approche une seringue de mon bras et enfonce l’aiguille fermement. Je serre les dents. La femme laide range méticuleusement ses fioles de sang foncé. Je voudrais fuir, emporter deux trois bricoles et sortir de là.

 Je suis déjà dans le couloir, je cherche la sortie, la tête me tourne. Ils me rattrapent déjà, me branchent de fils et de ventouses, me fixent au lit, changent la poche du baxter. Fermer les yeux et ne plus penser à rien. Mon corps se détend. Je nage dans les eaux tièdes de la Mer Rouge avec ses merveilleux poissons comme dans les films, en nuages mouvants. Mon corps surplombe les fonds sans fin. Et je m’y enfonce, vers l’obscurité. Un poisson-clown me fixe. 
 

On me transporte. Ailleurs. Les murs des couloirs défilent. Les plafonds surtout. Il fait froid. On me lie. Je glisse vers l’arrière. Une voix impersonnelle me demande de bloquer ma respiration, de ne plus bouger. J’ouvre un instant les yeux sur la paroi d’un tunnel éclairé bleu. Un bruit violent et sourd m’emplit. Le temps devient immense. La Mer Rouge a laissé la place à un large canal, une maison près d’une écluse. Des motards s’engagent sur le pont. Le bruit infernal des pétarades est infernal et s’entremêle aux sons lancinants. Ma tête éclate. Mon corps aussi. La voix me demande de ne surtout pas bouger, de cesser de respirer. Je suis maintenant dans une pièce obscure. Le plafond est tendu d’un filet, genre filet de pêcheur. Des trappes s’ouvrent et des nains bossus en sortent. Le cœur bat plus fort. Le plafond descend sur moi. Etouffement et peur. Les motos se sont éloignées dans la nuit. Un bateau s’enfonce dans l’écluse. Un homme court le long de la berge, saute dans une Porsche et disparaît.

 Je me calme. Mon corps glisse vers l’avant et la lumière de la grande salle revient. Un homme en blanc, visage asiatique, parle doucement. J’ouvre les yeux sur une chambre austère. Le lit est étroit et trop court. Un baiser sur ma joue. Ma femme, mon amour.
 - La résonance magnétique n’a pas été facile. Monsieur était toujours sous l’effet de la morphine. Il se repose depuis quelques heures. Il ne se souviendra de rien. Il devra encore rester quelques jours en réanimation. Mais, voyez, il émerge !
 
J’ouvre les yeux.
 Deux infirmières, une blonde et une brune, coiffées de chapeaux de père Noël me sourient. Le chirurgien asiatique me prend la main.

- Joyeux Noël !

E.J.B.

Publié dans Mes Nouvelles

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R
Non, il ne faut pas l'expliquer. On le pressent et cela est suffisant.
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G
J'ai aimé ce texte captivant ! Je ne sais pas si c'est un souvenir personnel mais je le vis comme tel.
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E
Oui, malheureusement vécu... survécu même! Quand la maladie attaque, elle le fait sournoisement et n'avertit pas. Moi qui oublie tous mes rêves nocturnes, je n'ai jamais oublié mes délires sous morphine... Mais fallait-il expliquer? Peut-être. Je ne sais. Merci de votre "visite".
M
Un souvenir vécu ! Survécu ! Quand la réalité rejoint la fiction...
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